Article rédigé en collaboration avec Algolia, Capgemini et commercetools.
Le headless pourrait être, s’il ne l’est déjà, le mot-clé tendance du e-commerce dans les prochains mois. De nombreuses définitions lui sont ainsi attribuées. En quelques mots, Emmanuel Constant, Head of Digital chez Capgemini, résume son rôle ainsi : ce concept permet de proposer le même service ou les mêmes fonctionnalités à l’utilisateur final, de personnaliser son expérience à travers les différents canaux de communication et d’interaction mis à sa disposition (lui attribuant ainsi une forte dimension omnicanale). Il peut par exemple s’agir de rendre un panier accessible à la fois depuis le site e-commerce, la tablette vendeur, ou encore l’application mobile.
Une architecture de commerce headless sépare l’expérience client d’un côté, et la logique commerciale d’autre part, et va tenter de concilier, voire de réconcilier, le Front End et le Back End en s’appuyant sur la puissance des API.
L’agilité ainsi obtenue permet aux deux parties de répondre au mieux à leurs besoins métiers, en s’assurant d’un côté un usage optimal et sécurisé des données et en proposant de l’autre une expérience enrichie au client à travers la mise en place de fonctionnalités dictées par les nouvelles attentes des consommateurs.
Le headless, fruit des divergences métier et IT ?
Comme le mentionne Xavière Tallent, qui accompagne les entreprises dans leur transformation digitale chez Capgemini depuis plus de 15 ans, historiquement, les marques et les entreprises ont passé leur temps à migrer de leurs solutions legacy vers de nouveaux acteurs spécialisés (search, moteurs de recommandation personnalisés, etc.) Puis maturité aidant, elles ont cherché à améliorer l’expérience client en mettant en œuvre des solutions OMS, PIM ou bien encore DAM. S’en est suivie la révolution du mobile qui a progressivement phagocyté l’audience du desktop. Pour les marques, il fallait à la fois assurer une expérience mobile et desktop réussie.
Avec l’essor du e-commerce et de l’omnicanalité, le nombre de points de contacts a explosé. Être en mesure de garantir la même expérience client sur l’ensemble de ces points de contact s’imposait comme un enjeu majeur pour les marques. Or la crise sanitaire a forcé à repenser le commerce digital avec de nouveaux moyens de vente : celui-ci entre désormais dans une nouvelle dimension avec le retail livestreaming, le social selling, la réalité augmentée, etc.
Pour s’adapter, les équipes métiers doivent aller vite… toujours plus vite. Elles mettent les équipes IT sous pression. Et la relation entre les métiers et la DSI s’est dégradée au cours de la dernière décennie – comme le rappelle une étude de Capgemini en 2019 – car les visions des deux pôles de décision ne sont plus alignées. Seulement 35% des cadres interrogés (contre 59% en 2012), estiment que l’informatique pourrait améliorer la productivité de l’entreprise.
Le headless apparaît ainsi comme la solution permettant d’aller à la rencontre du consommateur, là où il se trouve, au-delà de l’ordinateur, en se libérant des contraintes de la direction informatique.
Pourquoi les marques se tournent-elles vers le headless ?
Il est important de garder en tête que l’approche headless reste un moyen au service d’objectifs et de besoins métiers spécifiques, afin de répondre rapidement aux enjeux des marques. Cette approche a ainsi ouvert la porte à de nouvelles discussions en interne sur la synergie entre les équipes métiers et l’IT, afin de définir les points d’amélioration, de cibler et d’utiliser les solutions « best of need » les plus appropriées face à un besoin, et ainsi d’utiliser au mieux le temps et les ressources de la direction informatique, comme le déclare Hubert Odend’hal, ambassadeur du concept MACH en France, Directeur des ventes chez commercetools.
Dans l’approche headless, l’entreprise ne va désormais se focaliser que sur des objectifs métier bien spécifiques. Elle va explorer les solutions pouvant être mises en œuvre pour atteindre ces objectifs. A travers l’approche headless, la solution sera mise en œuvre une fois, de manière rapide, efficacement, et déployée ensuite plus largement selon les besoins.
S’assurer que les équipes travaillent ensemble
En filigrane, le headless pourrait apparaitre comme une idée au service de l’omnicanalité, alors qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un nombre minimal de canaux pour se lancer. Ce que l’entreprise doit comprendre, c’est que le e-commerce est aujourd’hui un sujet trop large pour être maitrisé de bout en bout. Pour répondre aux attentes en termes d’agilité, les retailers ont ainsi essayé de découper les plateformes monolithiques et de s’appuyer sur des équipes dédiées spécialisées, afin d’apporter, plus rapidement, plus de valeur sur chacun des sous-domaines du e-commerce (par exemple, le merchandising, la gestion du catalogue, etc.)
Or, comme en témoigne l’exemple d’Ubisoft cite par David Barth, Senior Director EMEA ISV Partners chez Algolia, le headless propose naturellement un découpage IT, qui fixe les mêmes enjeux et KPIs à la fois pour l’organisation métier et pour l’IT, tout en permettant de délivrer de la valeur sur chacun des sous-domaines du e-commerce.
C’est là que le headless peut aider les petites équipes spécialisées (‘feature teams’) à délivrer plus rapidement de la valeur : en réunissant les équipes métiers et IT pour travailler sur un même sujet, l’entreprise fait ainsi en sorte que les équipes se comprennent mieux.
Certes, cette évolution peut avoir quelques contraintes : l’entreprise passe d’une roadmap avec un éditeur unique, à plusieurs roadmaps. Au sein de cette organisation, chacun suit la roadmap de son produit. Mais un tel choix nécessite une sur-couche d’organisation permettant de disposer d’une vision globale et de statuer entre les priorités à donner aux différents sous-produits.
Thomas Hindré, expert omnicanal pour Fluent Commerce déclare que de plus en plus d’entreprises vont même jusqu’à créer des « Core-teams » auxquelles elles confient un rôle pivot afin de gommer la frontière entre métier et IT. Au sein de ces équipes vont émerger des PO (Product Owner), aux profils très « sachants », qui vont travailler aux côtés de l’équipe métier et leur permettre d’aller plus vite dans la transformation business.
La DSI, chef d’orchestre
Le headless suppose donc un changement d’état d’esprit au sein de la DSI, qui ne peut plus ignorer les bénéfices de cette approche. Si l’on ne voit pas aujourd’hui de projets de « replatforming », on observe cependant des approches qui « déshabillent » le monolithe IT et procèdent à des petites optimisations. Le headless ne serait alors qu’une optimisation de l’existant ?
Au service de l’objectif business, la DSI se doit de considérer des solutions dont la mise en œuvre n’engage pas l’entreprise sur plusieurs années. Les nouvelles solutions spécialisées, à travers les API, sont à la fois plus souples à mettre en œuvre, délivrent un ROI plus rapidement, et sont par ailleurs plus flexibles dans leurs termes commerciaux. C’est aussi le moyen « d’équilibrer les risques », puisqu’il ne s’agit plus de s’appuyer sur une seule solution monolithique, mais sur plusieurs solutions « best of breed ». L’entreprise peut craindre, éventuellement, un TCO* plus élevé au démarrage – voire éventuellement des frais d’intégration ou des risques associés à la mise en œuvre de plusieurs solutions logicielles. Mais elle doit garder en tête que ces nouveaux acteurs se projettent dans un monde décloisonné et ont développé leurs solutions en conséquence. Convaincus que leurs API sont intégrables et faciles à mettre en œuvre, ils aident ainsi la DSI à passer d’un tunnel de projet, long terme, à une série de victoires régulières au service de l’entreprise.
En arrivant à spécialiser les déploiements, à mesurer les points positifs de chacun, en accompagnant les métiers, la DSI participe de la dynamique de l’entreprise. La DSI n’est plus un « Homme-Orchestre » qui joue tout seul de l’ensemble des instruments, mais le chef d’un orchestre philarmonique dont le récital deviendra assurément un succès.
* (Total Cost of Ownership)